#18 Culture décodée : Spotify
Ou comment la culture explique le succès du géant mondial du streaming
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Il y a des entreprises qui sont des modèles.
Et elles sont souvent présentes dans nos vies.
Et ces modèles le sont devenus grâce à leur culture.
Spotify en fait indéniablement partie. Vous écoutez d’ailleurs sûrement nos podcasts grâce eux. Vous avez peut être même vu The Playlist, la série Netflix qui retrace son histoire.
Série moyenne, mais qui peut dire que sa boite a marqué la culture populaire au point d’avoir son propre show ?
Pour ce premier numéro de Culture Décodée, nous avons donc choisi de vous expliquer pourquoi leur culture est un exemple du genre, et comment vous pouvez faire pareil.
Mais pourquoi ce nouveau format ? Pourquoi décoder des cultures ?
Vous le savez : nous sommes des militants de la culture d’entreprise et nous rêvons de voir toutes les entreprises considérer ce sujet comme une priorité afin de gagner en authenticité et afin que beaucoup plus d’équipes viennent au travail avec le sourire. C’est l’objet de notre podcast Harmony Inside de présenter des entreprises « role model ».
Mais où en sont les autres ? Nous avons décidé d’analyser les cultures de grandes entreprises françaises et mondiales. Ou tout au moins ce qui en est rendu public.
Car si ce qui apparaît n’est pas clair, le contrat moral entre l’entreprise et toutes les parties prenantes (futurs embauchés, clients, etc.) part sur de mauvaises bases, non ?
Bien sûr nous ne pourrons pas analyser l’écart entre ce qui est dit et la réalité. Mais avoir mis des mots clairs sur sa culture d’entreprise est déjà un premier pas essentiel !
Décoder la culture de Spotify : c’est parti !
Les fondamentaux décryptés
La mission
Sa formulation
To unlock the potential of human creativity by giving a million creators the opportunity to live off their art and billions of fans the opportunity to enjoy and be inspired by it.
La mission de Spotify est aussi puissante qu’elle est concrète. Toute la beauté de sa formulation est de savoir rattacher une vision universelle (dévérouiller le potentiel de la créativité humaine) qui va parler à tout le monde avec son modèle d’affaires en une phrase.
On comprend directement le métier de Spotify : faire le lien entre les créateurs et leur public grâce à une plateforme qui va rémunérer les créateurs. C’est exactement ce que fait leur produit aujourd’hui.
Elle englobe également des éléments de l’ambition de Spotify, en positionnant l’entreprise comme un acteur global par essence.
Dans son Band Manifesto, Spotify ne se contente pas d’énoncer sa mission. Et c’est assez rare pour être souligné.
Ils se sont également posé la question des moyens pour l’atteindre, et répondent à la question “How do we get there ?” :
By believing in our talented band members, giving them the support and autonomy they need to create. (And lots of cold brew.) If you join the band, there are five values with which you’ll quickly become familiar as they form the foundation of Spotify culture. If these values align with your own, if they sound like the kind of people you want to be surrounded by, then come and help us shape the future of Spotify.
Pourquoi est-ce que c’est une merveille de cohérence ? Parce que ce qui ressort clairement, c’est que l’étape primordiale pour accomplir sa mission, c’est de rassembler un groupe soudé autour de valeurs communes.
La mission, c’est pourquoi vous faites les choses ; les valeurs, c’est comment vous les faites.
Ce qu’on leur aurait conseillé pour aller plus loin :
Sur la formulation, pas grand chose ; la mission est chiffrée, bien écrite. On aurait pu leur recommander de venir fixer des objectifs derrière, qui viendraient matérialiser le lien entre mission et stratégie de l’entreprise, à la manière des entreprises à mission en France. Cela est peut être fait en interne, mais Spotify ne le rend en tout cas pas public, ce qui est dommage ! Fixer des objectifs derrière sa mission, c’est la crédibiliser, et donner une vision stratégique. Ces deux éléments permettent de donner un cohérence au développement de l’entreprise… tout en fédérant chaque salarié de deux manières :
En montrant que toute l’entreprise est tournée vers sa mission, et que ce n’est pas bullshit ! C’est le cap commun pour tous.
En permettant à chacun de visualiser concrètement sa contribution personnelle dans l’atteinte de cette mission… et donc de donner du sens au travail de tous !
Les valeurs
Leur formulation
Spotify a fait le choix de valeurs simples (un mot) et nombreuses (cinq valeurs, c’est vraiment le maximum de ce que l’on vous recommande ; au delà, elles risquent de devenir illisibles !). Avec des valeurs aussi simples et larges, il était indispensable de les préciser pour ne pas tomber dans une variété d’interprétations. Spotify évite cet écueil avec ces description de valeurs. Chacune contient des principes actionnables à l’échelle de l’entreprise :
“We’re unafraid to fail” se retrouvera bien dans l’évolution des collaborateurs : c’est le fameux droit à l’erreur !
“Candid feedback delivered with good intent is at the heart of everything we do” : on retrouve ici un principe de management dans la manière de donner du feedback chez Spotify, principe autour duquel il est possible de former l’ensemble des managers
“Everyone is an integral part of the work we do with an equal opportunity to participate” : ici apparaissent clairement les prémisses de l’organisation Spotify, célèbre à travers le monde pour avoir popularisé l’agile at scale, et dont on reparlera juste en dessous.
Les valeurs “Passionate” et “Playful”, très comportementales, apparaissent un cran en dessous dans la hiérarchie. Passionate est directement présentée comme une condition à l’innovation, et Playful semble être un complément pour la collaboration.
Ce qu’on leur aurait conseillé pour aller plus loin :
Ces valeurs nous laissent un peu sur notre faim. Leur nombre élevé et la faible singularité dans leur formulation diminuent leur portée. Nous recommanderions d’oser des formulations plus impactantes. Spotify est aussi connu pour son souci de la performance qui n’apparait pas totalement.
Elles sont néanmoins bien déclinées. Il aurait pour autant été intéressant de venir préciser les “lignes rouges”, les fameux comportements indésirables qui vous placent en dehors des valeurs d’une entreprise. Le rôle des valeurs, c’est aussi de venir délimiter le terrain de jeu. Et en tracer les lignes est toujours aidant !
Le tempo
Là, Spotify me fait plaisir. Le tempo, c’est le rythme auquel on fait les choses. On peut vouloir aller plus vite que tout le monde (notamment sur des marchés “winner takes all” comme les plateformes) et on cherchera alors à se développer à grand coups de levées de fonds. Ou on peut vouloir prendre son temps, et grandir lentement pour assurer son assise. Il n’y en a pas de bon ou de mauvais, mais c’est un élément de culture fondamental et souvent oublié.
The Spotify rhythm :
We believe that speed of iteration beats quality of iteration, which is why we’re not big on bureaucracy. To us, complicated processes and guidelines can kill innovation. We’d rather just stay focused and prioritize ruthlessly.
And in the spirit of transparency, we’ll admit that being process-light sometimes invites a little bit of chaos into our everyday. We embrace it. A little bit of chaos forces you to think in new ways, break out of your old patterns. It keeps us fast, focused, and inventive.
Working fast means acting with consent, not consensus. Even if the majority can’t come to an agreement, it’s important to keep moving, take a chance, and execute
En synthèse : ce que l’on en pense et ce que l’on aurait aimé y trouver
Spotify se pose comme une entreprise purpose-led. C’est sa mission qui est au coeur de sa culture. Et quand on pense au contexte dans lequel l’entreprise a été créé (schisme entre les maisons de disque et les pirates, avec les artistes comme dindons de la farce), ça fait sens.
On l’a mentionné, le lien avec les valeurs est également génial. Encore une fois, les valeurs, c’est comment on fait les choses !
Et, on y reviendra, cette formalisation de la culture est clairement un best-in-class.
Alors, qu’est-ce qu’on aurait pu vouloir de plus ?
Paradoxalement (ou pas), un peu de business. La culture que présente Spotify est très axée RH, et paradoxalement éloignée de sa mission qui est, elle, clairement business. On aurait adoré voir Daniel Ek expliquer la vision business de Spotify (l’état du marché à l’époque et aujourd’hui), et son business model à minima. En le focalisant sur les différents éléments de la mission, ces aspects auraient ajouté une énorme cohérence à la culture !
Bien sûr, on ne dit pas que ces éléments ne sont pas réfléchis ou même formalisés chez Spotify ; on n’arrive pas à ce stade sans une vision claire. Mais il aurait été intéressant d’avoir une présentation plus complète de la culture et de la singularité de Spotify. Et ça, c’est le rôle du culture book.
La culture de Spotify en action
La culture, c’est l’identité de l’entreprise. Et plus elle est forte, plus l’entreprise sera singulière.
Et si c’est déjà génial d’avoir réussi à écrire sa culture, ce n’est que 20% du travail.
Les 80%, c’est de la mettre en action. Et ça peut se faire sur 5 axes :
Le fonctionnement interne, et le mode d’organisation notamment
Les Ops : comment la culture est incarnée dans les processus commerciaux, marketing, communication, etc.
Le positionnement dans un écosystème : comment l’entreprise se place vis à vis de ses concurrents, comment elle interagit avec ses partenaires, etc.
Le leadership : le style de management, la gouvernance, etc.
L’équipe : comment s’assurer de créer des équipes qui partagent les mêmes valeurs et qui sont alignées autour de la culture (à travers le recrutement par exemple) et comment développer et prendre soin des individus (tout au long du parcours collaborateur).
Alors, que fait Spotify sur ces 5 axes ?
Axe 1 : “L’organisation Spotify”
🎯 TLDR : Spotify a créé de toutes pièces un modèle d’organisation pensé pour le scale à partir de sa culture, plutôt que de calquer un modèle existant.
❓ La question à vous poser pour avancer : est-ce que notre mode d’organisation permet à chacun de vivre nos valeurs ? Ou y a t’il des freins, des incohérences ?
💡 En détail :
Le génie de Spotify (et en réalité ce qui fait que j’ai directement pensé à eux pour ce premier format de Culture Décodée), c’est d’avoir créer de toutes pièces un mode d’organisation qui illustre leurs valeurs (en plus d’être mondialement célèbre et d’avoir été répliqué avec plus ou moins de succès des milliers de fois).
Cette organisation, elle ressemble à ça :
Ca ne vous aura pas échappé, on est bien loin de la pyramide en guise d’organigramme.
Et rappelez vous, les valeurs de Spotify sont notamment “Collaborative” et “Innovative”.
Innovative :
Le comportement clef : “We’re unafraid to fail, knowing that each mistake contains a valuable lesson and gets us one step closer towards creativity and innovation.”
En pratique : les équipes sont liquides sur les projets (on parle de squad, petites équipes de 4 à 6 personnes qui regroupent les compétences nécessaires), et surtout en totale autonomie. Une squad prend ses propres décisions, et n’a rien à soumettre à personne pour avancer. Chaque squad fait partie d’une tribu, qui regroupe toutes les squad travaillant sur un même projet. La seule contrepartie demandée ? Se fixer des objectifs alignés avec la stratégie de l’entreprise !
Collaborative :
Le comportement clef : “We share ideas and best practices across business units in spite of traditional hierarchy.”
En pratique : en plus des squads, l’organisation de Spotify comprend des “chapters” et des “guilds”. L’objectif commun de ces deux structures ? Faire circuler les connaissances ! Les chapters rassemblent, dans une même tribu, des communautés de personnes ayant les mêmes compétences (ex : tous les développeurs php), avec un coach en charge de l’animer et de faire progresser ses membres. Les guildes quant à elles sont des communautés de personnes partageant des compétences ou des centres d’intérêts en commun, à travers toute l’entreprise. Tout le monde peut rejoindre une guilde sur la simple base du volontariat.
Ce qu’il faut en retenir ? La simple organisation de Spotify aurait pu mériter une édition de cette newsletter à part entière, mais j’abrège. Si je n’en retiens qu’une chose, c’est que la culture est un guide tellement puissant, qu’elle peut vous conduire à créer un modèle organisationnel tout entier pour la préserver dans votre croissance.
Axe 2 : Les Ops
🎯 TLDR : Spotify a créé un produit accessible à tous (modèle freemium), pensé pour être avec nous à chaque moment de notre vie (il y a littéralement des playlists pour tout), qui incarne parfaitement sa mission : To unlock the potential of human creativity by giving a million creators the opportunity to live off their art and billions of fans the opportunity to enjoy and be inspired by it.
❓ La question à vous poser pour avancer : en quoi est-ce que notre produit / notre service et la manière de le proposer incarne notre mission ? Et est-ce assez évident pour notre cible ?
💡 En détail :
Le business model :
J’écris cette newsletter en écoutant la playlist “Creative writing” de Spotify.
Difficile de mieux illustrer comment Spotify tente d’accomplir sa mission de “libérer le potentiel de la créativité humaine” (en toute modestie dans mon cas, évidemment), en “donnant l’opportunité à des milliards de fan d’être inspirés [par la musique]”.
Spotify a créé un produit accessible à tous, jusque dans le choix de son business model. Ca parait aberrant de simplicité d’écouter de la musique gratuitement aujourd’hui, non ?
Et pourtant, quand Spotify s’est lancé, deux alternatives s’offraient à vous : sortir 20 € pour un CD… ou pirater.
Spotify, c’est la première offre légale de musique gratuite, avec un business model qui s’est construit autour de ça. Daniel Ek voulait rendre la musique gratuite, pas créer une plateforme freemium. Il a donc juste inventé le business model qui permettait de rendre tout ça possible, pour accomplir sa mission et créer une entreprise financièrement viable.
Là où ça peut pêcher évidemment, c’est sur le côté de la rémunération des artistes. On rappelle que l’autre partie de la mission de Spotify c’est de “donner à des millions de créateurs l’opportunité de vivre de leur art”. Spotify a fait entrer le streaming dans l’ère légale, en rémunérant les artistes pour chaque stream de leurs chansons. Si le montant de la rémunération fait débat (0,0039 € par lecture), il reste indéniable que ce nouveau modèle a révolutionné le marché de la musique, en permettant à des artistes indépendants de se faire connaître et rémunérer (un peu) pour leur art sans devoir passer par la case maison de disques. Et Spotify produit aujourd’hui du contenu original et collabore avec les artistes pour ses campagnes marketing.
L’identité de marque :
Spotify veut être la playlist de nos vies. Leur stratégie de différentiation repose sur deux piliers :
Il existe une playlist pour chaque moment de nos vies - même celui où l’on écrit des newsletters. Essayez !
Notre expérience Spotify est hyper personnalisée. Chacun se sent unique grâce à la musique qu’il écoute. Si vous ne me croyez pas, c’est que vous n’avez jamais ouvert Instagram au mois de décembre quand l’ensemble de vos amis partage en story son #SpotifyWrapped, la rétrospective de son année qui indique ses chansons, artistes et podcast préférés. (Je vous partagerais bien le mien, mais j’assume pas tellement d’avoir JuL en top artiste depuis 2 ans)
Spotify se repose sur deux archétype de marques :
Le créateur (en lien direct avec sa mission), et cela se ressent dans son produit et son identité. Chacun de nous est un créateur avec Spotify : nous créons nos propres playlists et nous les partageons. Et nous forgeons notre identité avec la musique que nous écoutons.
Le monsieur tout le monde (the regular guy) : Spotify est fait pour tout le monde ; nul besoin d’être un puriste ou un fan hardcore de musique pour s’y retrouver, contrairement à un Soundcloud par exemple. L’interface est minimaliste et d’une simplicité enfantine. Tout le monde s’y sent à l’aise.
Axe 3 : le positionnement
🎯 TLDR : Spotify a créé un cercle vertueux reposant sur les effets de réseaux, en alignement avec ses valeurs de collaboration et d’innovation, et bien sûr sa mission.
❓ La question à vous poser pour avancer : sélectionnons-nous nos partenaires et nos parties prenantes sur la base d’une compatibilité de culture ?
💡 En détail :
Le cercle vertueux et le network effect
Spotify a créé une logique d’écosystème vertueux qui regroupe d’un côté les artistes et leurs maisons de disques, et de l’autre les utilisateurs, le tout propulsé par des effets de réseaux (#collaborative).
La logique est limpide, et articulée à l’image de leur mission :
Plus il y a d’utilisateurs qui écoutent, plus les artistes sont payés
Plus les artistes sont payés et plus ils viennent sur la plateforme
Plus il y a d’artistes sur la plateforme et plus il y a de musique à découvrir et de playlists à créer
Plus il y a de musique a découvrir, et plus il y a d’utilisateurs.
Mais la logique d’effet de réseaux va plus loin que ça chez Spotify. Et notamment là où l’on ne s’y attend pas.
Dans la tech par exemple.
Une culture de la communauté qui s’exporte via l’innovation
Spotify utilise de la technologie Open Source depuis le début. C’est #collaborative, et c’est un vrai moteur d’innovation (une autre de leurs valeurs).
Résultat ? Spotify a sorti Backstage, un portail pour les développeurs, basé sur une communauté Open Source, qui a été diffusé et adopté par une centaine d’autres entreprises de la tech. L’objectif de ce portail est de permettre d’organiser tous les outils de l’écosystème des développeurs dans un catalogue avec des fonctions collaboratives et personnalisables… un peu comme un catalogue de musique sur Spotify. On est loin de la musique, mais en plein dans la culture de Spotify.
Spotify a également créé un fonds (le FOSS, Free and Open Source Software fund), qui permet de rémunérer les développeurs dont les projets open source sont sélectionnés par la communauté de développeurs Spotify. L’objectif est évidemment de les récompenser, mais aussi de pérenniser l’écosystème qui par définition ne génère que peu de valeur pécuniaire. De là à faire le lien avec “unlocking the potential of human creativity” il n’y a qu’un pas.
Un écosystème de partenaires résonants
Du côté moins visible de l’iceberg, Spotify a plus de 70 partenariats commerciaux :
On note deux types de résonance dans les partenariats que choisit Spotify (tout le monde ne peut pas le devenir, Spotify sélectionne ses partenaires) :
Une complémentarité de mission : des opérateurs de téléphonie, des maisons connectées… Spotify leur permet d’améliorer leurs offres, tout en se diffusant toujours plus dans nos vies pour rendre la musique accessible. Acquisition mutualisée et jeu à somme positive, en capitalisant encore sur les effets de réseaux
Une compatibilité de mission : des entreprises comme Adalo, Make, Notion, Patreon, qui sont des outils de création pu aux service des créateurs. En s’associant avec ces marques, Spotify touche son audience cible directement tout en renforçant la perception de sa marque comme étant celle des créateurs. Et donc sa différenciation.
Axe 4 : Le leadership
🎯 TLDR : Spotify a formalisé des principes de leadership qui découlent directement de ces valeurs… mêmes si elles y sont inégalement représentées.
❓ La question à vous poser pour avancer : nos managers sont-ils suffisamment outillés pour incarner notre culture ?
💡 En détail :
Dans la lignée de son Band Manifesto (son culture book), Spotify a rendu public une extension : The Manager Manifesto.
Arrêtons nous deux minutes : TOUT LE MONDE DEVRAIT FAIRE CA. Ecrire sa culture est une première étape absolument géniale. Mais avec la croissance, cela laisse encore une place à l’interprétation. On entendra toujours les remarques de ceux qui cherchent l’exception : “Ah oui mais dans mon contexte on fait comment ? C’est trop abstrait”.
Décliner sa culture en principes de management, c’est la base pour grandir et scaler de manière harmonieuse sans créer des sous cultures. Les managers impulsent la culture et la font vivre dans tous leurs actes et leurs prises de décision ; outillez les pour le faire !
Spotify formule sa philosophie du leadership en 4 points :
We believe in purpose-driven leadership : Spotify attend de ses managers qu’ils soient exemplaires dans leur incarnation des valeurs. Qu’ils favorisent l’innovation via des boucles de feedback courtes et fréquentes. Et qu’ils coachent chaque membre de leurs équipes pour leur permettre de… débloquer leur potentiel
Les valeurs incarnées : Passionate, Innovative, Sincere
We believe in managers who have the willingness and courage to lead : le manager de Spotify est un manager agile avant tout, capable de s’adapter à un environnement chaotique par essence. Il a une posture de facilitateur : son rôle est de donner les orientations, et d’enlever les obstacles du chemin de son équipe pour leur permettre d’atteindre leurs objectifs. On insiste sur la notion d’autonomie plutôt que de contrôle, de partage de l’information, et de droit à l’erreur.
Les valeurs incarnées : Innovative, Collaborative
We believe in managers who build and run healthy teams : le rôle du manager est de s’assurer que toutes les voix soient entendues, que la politique interne soit éliminée. On met également l’accent sur le fait de constituer des équipes diverses comme une condition première de la créativité et de l’innovation.
Les valeurs incarnées : Innovative, Sincere, Collaborative
We believe that leadership is a group sport : Spotify met l’accent sur l’écoute, et le rôle du manager d’encourager la divergence des opinions pour créer les conditions de l’innovation. Il n’y a pas de place pour les égos, et les objectifs sont atteints par la collaboration.
Les valeurs incarnées : Innovative, Collaborative, Sincere
Même si l’on n’est que sur des principes, deux choses sautent aux yeux :
Spotify a 5 valeurs, dont la valeur Playful, qui semble presque antinomique au vu de l’importance donnée à la performance. Spotify emploie des mots comme “ruthless” (sans pitié), “résiliant”, “courageux” ; on se prend au sérieux pour inspirer, mais on ne retrouve aucune légèreté ici… Ce qui vient encore confirmer que cette valeur est plus une valeur de communication qu’autre chose, et c’est bien dommage.
Cela reste difficilement exploitable, même si cela a le mérite de tracer les lignes du terrain de jeu. Cela mérite d’être ensuite décliné en modalités d’évaluation de la performance, ou d’être converti en formation concrète pour les managers, par exemple.
Axe 5 : L’équipe
🎯 TLDR : Une marque employeur qui crée du désir, des profils recherchés clairement explicités, et un surprenant et rafraichissant focus sur la politique de rémunération en lien avec la culture
❓ La question à vous poser pour avancer : Qui sont les personnes avec qui nous avons envie de travailler, et avons nous tout mis en place pour rendre lisible ce qu’elles trouveront chez nous ?
💡 En détail :
La marque employeur
Spotify, comme OpenClassrooms en France, a eu le génie d’utiliser son propre produit dans sa marque employeur. Et donc de lancer le podcast “Life at Spotify”, où l’on retrouve des témoignages d’employés de Spotify, qui présentent leur activité ou racontent leurs histoires personnelles. L’objectif est d’ancrer la perception que veut donner Spotify d’un endroit où l’on vient pour grandir, pour progresser et pour évoluer.
On retrouver en toile de fond l’archétype de marque du “créateur” que l’on évoquait plus haut. Et c’est ce qui donne à Spotify une marque employeur si forte : tout est fait pour vous donner l’envie de “join the band”, intégrer ce groupe de musique si cool et dont tout le monde veut faire partie et qui est au coeur de la marque employeur de Spotify
Chacun se fera son opinion sur cette stratégie, mais c’est une merveille de cohérence.
Le recrutement
Comment recruter des personnes qui partagent votre culture ? C’est la question que se posent immanquablement toutes les entreprises qui scalent. Et pour trouver la réponse, il vaut mieux avoir décliné ses valeurs en critères de recrutement.
Ce fit culturel, Spotify en a bien compris tout l’enjeu en affirmant dans son Band Manifesto :
“The best people in their field may not be the best people for our band. We put an emphasis on finding the right people every time, rather than just recruiting the rock stars.”
Ce que ça donne :
3 critères de recrutement partagés à travers toute l’entreprise : adaptability, ability, and drive
3 comportements incontournables :
Care : Spotify cherche des profils qui prennent soin des membres de leur équipe tout en assumant la responsabilité de leurs résultats et en s’engageant pleinement.
Grow : Spotify recrute des talents pour les faire évoluer, mais leur demande en contrepartie une autonomie extrêmement forte, condition sine qua non pour que leur organisation fonctionne
Nurture collaboration : l’accent est une fois de plus mis sur les capacités d’écoute et l’absence d’égo mal placé.
Derrière cette première étape publique, nul doute que Spotify a encore décliné ces 6 points en critères à vérifier lors du processus de recrutement, et adaptés pour chaque métier. Du moins c’est ce que nous leur aurions conseillé de faire !
La rémunération
J’ai été surpris de trouver un chapitre consacré à la rémunération, en public, dans le culture book de Spotify. C’est court, mais on y trouve des choses intéressantes :
Des avantages explicitement alignés avec les valeurs, comme le congé parental et des jours fériés flexibles
Chaque personne qui rejoint Spotify reçoit des actions (probablement sous la forme de BSPCE, mais tout de même), et est libre de choisir la composition de son package (actions / cash) par souci de flexibilité
Une volonté de payer au dessus du marché pour récompenser les talents “innovants et passionnés” qui rejoignent Spotify. On est dans une logique GAFA-like, mais cela vient renforcer l’attractivité et l’exclusivité de la marque employeur.
En conclusion
Spotify se place donc bien comme un modèle en terme de formalisation et de publication de sa culture. Donner ce type d’éléments à votre écosystème, aux futurs talents et à vos utilisateurs et clients, c’est déjà être en avance sur 99% des entreprises d’aujourd’hui. C’est se donner les moyens d’embarquer autour d’une identité singulière, de fédérer autour d’une quête et d’une mission.
Et comme dirait celui qui sera à coup sur en haut de mon #SpotifyWrapped2022 :
“Ce qui compte c’est pas l’arrivée c’est la quête”
C’est là que l’on aurait aimé en voir plus de la part de Spotify. La mission est belle, mais comment est-ce qu’on l’atteint ? Quelle est la vision que l’on porte pour notre marché ? Notre stratégie pour l’exécuter ? Les objectifs que l’on se fixe ? Ces leviers sont ultra puissants pour donner du sens, et ancrer une mission qui peut être fumeuse ou bullshit (quelle qu’elle soit) lorsqu’elle reste seule dans les hautes sphères de la pensée et du concept.
Alors bien sûr, cette analyse se veut prudente car elle n’est qu’une lecture externe qu’il serait nécessaire de confronter à la réalité. Vos commentaires sont les bienvenus. Ce qui est écrit ici est-il vraiment mis en œuvre ? Y a-t-il d’autres aspects de la culture qui existent et qui ne sont pas indiqués ?
Et surtout… qu’avez-vous pensé de ce nouveau format ? Et quelle culture voulez-vous voir dans la prochaine édition ?
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